La parenthèse d’une existence pour une vie en pleine santé
écrit le 24.08.2020Au printemps de cette année, Ismail, 45 ans, s’est présenté à La Maison pour un rendez-vous exceptionnel et insolite. Un évènement qui ne se produit que rarement à La Maison. Ancien bénéficiaire du programme de Terre des hommes, il était venu en Suisse âgé de neuf ans et demi et avait séjourné à La Maison en 1984. Ce rendez-vous, il se l’est donné avec lui-même et ses souvenirs de cette parenthèse dans sa vie d’enfant. Il nous autorise à partager avec vous le témoignage touchant de son bonheur passé et présent.
Une avalanche de souvenirs
« Pour qu’un enfant grandisse, il faut tout un village ».
Proverbe africain
Et pour Ismail, le souvenir de La Maison est celui d’un village. Son regard d’enfant voyait les lieux si grands, les prairies immenses, et la maison principale trônait, dans ses souvenirs, tel un château. Il observe la bâtisse, d’un regard émerveillé. L’échelle est aujourd’hui différente, mais son regard, lui, est plein d’étoiles, comme celui d’un enfant. 37 ans plus tard, il se retrouve à cet endroit, si particulier, qui lui a permis de continuer à vivre. « Le village a un peu changé depuis » nous dit-il, mais son cœur est resté le même.
Alors que nous arpentons les couloirs de la maison principale, les souvenirs reviennent, un effet boule de neige. Ismail reconnaît la chambre dans laquelle il avait séjourné. Des petits y font la sieste et c’est avec beaucoup d’émotion qu’il les observe. Ces enfants, qui comme lui, il y a de nombreuses années, vivent ici une parenthèse enchantée qui transformera à jamais leur destin.
Comme lorsque l’on retrouve une boîte aux trésors garnie d’objets de son enfance, Ismail nous raconte ses souvenirs. Cet homme, personnalité touchante, est bouleversé par ce «petit paradis apaisant» et tout ce qui s’y lie. Il raconte avec enthousiasme avoir attendu l’arrivée de la nourriture par l’« ascenseur » (le pass) qui relie le foyer où les enfants prennent leur repas à la cuisine. « On attendait, et lorsqu’il arrivait, on était heureux parce qu’il y avait toujours beaucoup de bonne nourriture ».
Rien n’est impossible
Ismail est originaire du Maroc. Souffrant d’une malformation cardiaque, il avait été transféré en Suisse en août 1984 et avait séjourné environ 8 mois à La Maison. Opéré du cœur, il était ensuite rentré chez lui au Maroc et avait enfin pu commencer sa scolarisation. Jusque-là, il avait été hospitalisé à Casablanca et n’avait encore jamais pu se rendre à l’école à cause de sa maladie. « Rien n’est impossible », nous dit-il. Alors qu’il échange quelques mots avec les infirmiers de La Maison, on lui demande comment s’est déroulée sa convalescence et le suivi dans son pays d’origine. « J’ai fait sport-études, couru des semi-marathons, et même quelques marathons » répond Ismail. Incroyable. Petit gabarit de neuf ans et demi qui pesait à peine dix-neuf kilos, il s’essoufflait après n’avoir parcouru que quelques mètres. L’opération, la vie, ce second souffle l’a, semble-t-il, porté très loin.
Aujourd’hui, père de deux jeunes adolescentes, il travaille avec les enfants souffrant de troubles du comportement dans la région parisienne. Comme beaucoup de jeunes pensionnaires qui séjournent à La Maison, il s’est destiné à une carrière dans la prise en charge médicale d’enfants. « Travailler avec les enfants et dans quelque chose d’associatif, c’était une vocation après mon passage ici », nous explique-t-il.
Fier d’en être
On raconte souvent que lorsque les enfants reviennent de leur opération cardiaque, ils expriment une certaine fierté à l’égard de leur cicatrice. Pour Ismail, ce sentiment n’a pas changé. Il en est toujours aussi fier ; « c’est ma vie », nous dit-il, « c’est grâce à elle que je suis encore là aujourd’hui. » C’est après l’annonce du décès d’Edmond Kaiser, fondateur de Terres des hommes, que le besoin de revenir dans ces lieux s’est exprimé chez Ismail. Il devait revenir, un jour, à tout prix. Nous autoriser à témoigner de son bonheur ici, « c’est le minimum de ce que je peux faire pour vous » nous dit-il. Lorsque notre email en réponse à sa demande de visite lui est parvenu, il était en route, s’est arrêté, et pris d’émotion a téléphoné à l’une de ses filles pour partager sa joie. Un jour, il veut les amener ici avec lui. Leur montrer cet endroit, qui comme sa cicatrice sur son torse, reste là, visible pour tous, après toutes ces années, preuve qu’il y a toujours lieu d’espérer.
L’histoire d’Ismail est touchante. Le voir retrouver ces lieux, 37 ans après, est un privilège pour nous à La Maison. Cela nous rappelle l’importance fondamentale de ce qui se passe ici, à La Maison, pour tous les enfants qui sont accueillis. Une vie, voilà ce qui leur est donné. Et cela ne saurait se faire sans toutes les personnes qui ajoutent une pierre à l’édifice.