L'accueil des tout-petits : des pros qui ont du cœur

L’accueil des tout-petits : des pros qui ont du cœur

écrit le 01.12.2018

Comment se fait l’accueil des tout-petits à La Maison?

Agir en professionnelle tout en se nourrissant de ses valeurs humaines. Ce sont les qualités des professionnelles qui, à longueur d’années, accomplissent un travail de qualité auprès des plus petits pensionnaires de La Maison. Passion, respect et confiance guident leur action jusqu’à ce que l’enfant retrouve les siens.

Mélanie Casanova

 Sa mission : Assurer les soins médicaux aux enfants durant leur séjour

accueil à l'infirmerie
Mélanie et Atoké

« Durant mes années passées aux soins intensifs de pédiatrie du CHUV, je me suis souvent posé cette question. Qu’en est-il de ces enfants de Terre des hommes qui viennent se faire soigner seuls en Suisse ? J’ai souvent pensé que c’était un peu « barbare » qu’ils soient là sans leurs parents, jusqu’à ce que je visite La Maison de Terre des hommes. Voir les enfants heureux, ça a pris tout son sens. Je me suis même dit que plus tard je pourrai y travailler. Et aujourd’hui j’y suis. »

Des bras du convoyeur bénévole à ceux du personnel soignant : l’accueil des enfants à La Maison

Quand un tout-petit arrive à La Maison, il est accompagné d’un convoyeur bénévole. Le premier accueil se fait généralement par le personnel de l’infirmerie. Depuis le départ de son pays, ce sont à chaque fois de nouvelles personnes qui l’ont pris en charge. « Chez un petit, explique Mélanie, le besoin de contact physique est très fort. A partir de neuf mois, l’enfant a besoin d’une figure d’attachement. Dès lors, nous essayons de jouer ce rôle de réconfort. Il suffit souvent de tendre les bras pour que le lien se crée. Nous y allons vraiment en douceur. La rapidité de la transition entre le convoyeur bénévole et nous dépend bien souvent de l’habitude de l’enfant à côtoyer des personnes qu’il ne connaît pas. Ce peut être instantané, mais ça peut aussi prendre un peu de temps. Un premier contact décisif qui va colorer la suite du séjour. »

Un même accueil mais une intégration différente selon le pays d’origine

 La culture du pays de l’enfant joue également un rôle prédominant dans son attitude à l’arrivée à La Maison. Des enfants natifs du Sénégal, par exemple, auront besoin d’une phase d’intégration plus courte que d’autres venant de Tunisie. Ils ont culturellement davantage l’habitude de se retrouver dans les bras de personnes inconnues. Généralement, les tout-petits ont une capacité d’adaptation très rapide. Ça facilite grandement leur hospitalisation, mais n’enlève en rien l’angoisse et le stress de cette étape. « Une des grandes difficultés pour nous est le maintien d’une distance affective adaptée à chaque enfant. Trop de proximité rend l’hospitalisation plus difficile, trop d’éloignement fragilise l’enfant face à cette épreuve. Il faut trouver le juste milieu. » La dynamique de groupe, que les équipes cultivent intensément, est également cruciale pour le bien-être de chacun. Les enfants grandissent ensemble, s’entraident et sont très sensibles à l’atmosphère qui règne dans La Maison.

L’accueil des tout-petits, une adaptation plus rapide

Pour une prise en charge optimale aux hôpitaux partenaires, toutes les informations utiles les concernant leur sont transmises. Des petites habitudes de vie, aux besoins particuliers, à la chanson qui les calme lorsqu’ils sont angoissés. « Lors de mes nombreuses années dans des services de pédiatrie au CHUV, j’ai pu observer que les petits s’adaptent beaucoup plus vite que les grands qui, souvent, refusent la médication ou la nourriture. Le temps semble passer plus long pour eux. Maman d’un petit de trois ans, je ne suis pas certaine que mon enfant, mis dans une situation analogue, s’adapterait aussi vite qu’eux. » Une fois rentré chez lui, l’enfant ressent l’infinie reconnaissance (selon son âge) et la joie de ses parents de le savoir guéri et garde un souvenir généralement impérissable d’un voyage dont il ressort non seulement guéri, mais aussi grandi.

Tania Kébé

Sa mission : Être une personne ressource pour l’enfant

accueil des tout-petits au jardin d'enfants
Tania et Pélagie

« En tant que mère, je pense souvent aux mamans et à la confiance qu’elles nous accordent en nous confiant leurs bébés. Tout ce que j’entreprends me pousse à rester digne de cette confiance. » Le constat de Tania rejoint celui de sa collègue Mélanie: les petits s’adaptent plus rapidement que les enfants plus âgés. En moins d’une semaine, ils sont totalement intégrés à la communauté des pensionnaires de La Maison. « Comme ils aiment bien être portés, nous les gardons davantage avec nous. Quant aux plus grands, ils nous épaulent lorsque nous partageons des activités tous ensemble. Ils jouent les interprètes, par le geste ou la parole, et agissent comme des traits d’union très précieux. »

Les petits confiés aux bons soins des grands

Un lien qui, la plupart du temps, a commencé à être tissé à des milliers de kilomètres de Massongex, au moment du départ. En effet, lorsqu’une mère doit confier son jeune enfant aux bons soins de la Suisse, elle commence souvent par en donner la responsabilité à un autre enfant qui lui aussi effectue ce voyage vers la vie. Un enfant généralement plus âgé, qui symboliquement devient le nouveau parent du bambin. Dans ce genre de situation, les enfants voyagent ensemble. Le plus grand officie comme repère pour le plus jeune ce qui facilite l’accueil à La Maison. Les bénéfices pour la suite du séjour sont clairement visibles. L’intégration se passe plus vite.

A l’image de Fernandine, 16 ans, et Atoké, 3 ans, arrivées ensemble du Bénin en août dernier. Fernandine a fait expressément la demande de rentrer en même temps au pays que la petite Atoké. « Comme ça je pourrai la rendre à sa maman », a-t-elle indiqué. Il faut dire que les mères font un travail énorme et admirable en amont. L’équipe éducative de La Maison constate clairement que les enfants sont préparés avant leur voyage. Mêmes les plus jeunes comprennent déjà très bien qu’ils sont malades, que quelque chose ne va pas, et ce même si rien n’est visible à l’œil nu. Quand ils arrivent, ils savent que ça n’est pas simple, mais que c’est un passage indispensable pour aller mieux, et que c’est une chance d’être là.

Cultiver l’essentiel, sans superflu, pour un accueil et un retour facilités

Une fois sur place, le relais est pris. « Je m’adapte à chaque enfant, explique Tania. J’effectue une prise en charge individualisée, qui va de la compréhension et du respect des habitudes comportementales et alimentaires à la récolte de toutes les informations personnelles reçues du pays de provenance de l’enfant. » L’objectif étant que chaque enfant puisse intégrer la communauté des enfants au plus vite et participe avec plaisir au déroulement des journées. « Les moments passés avec les petits sont totalement différents de ceux passés avec les autres, plus âgés. Il y a moins de questionnement chez les bambins. Dans tous les cas cependant, nous faisons en sorte d’enlever le superflu, et de cultiver l’essentiel, la relation, la confiance, l’amour et les soins. » Une attitude qui ne laisse aucun pensionnaire indifférent.

Les témoignages de ceux qui sont passés par là sont présents un peu partout dans les locaux, et tous évoquent les sentiments d’affection et de solidarité rencontrés. Et c’est important, explique Tania, parce que « ça favorise l’accueil, le séjour et le retour au pays. Car il faut se rendre compte du fait que très souvent, le retour est non seulement synonyme de retrouvailles avec les parents, mais aussi avec… un dénuement total. »

Rester digne de la confiance des mères dans l’accueil de leur enfant

 « Dans certains pays, les secours n’existent pas. Désœuvrés, à la recherche de soins vitaux pour leur enfant, les parents transmettent à ces enfants malades, de manière inconsciente, un stress et de l’inquiétude. Dès lors, le fait d’avoir la possibilité d’un transfert vers l’étranger comme seule issue de survie, ça influence forcément l’enfant. La résilience qui en découle favorise alors sa prise en charge à Massongex et dans les hôpitaux. Notre regard d’ici est totalement différent de celui de là-bas. Le confort et l’attention qu’il reçoit durant son séjour hospitalier sont très élevés. Quand bien même, si des soins existaient dans son pays, il est fort probable qu’il n’aurait pas droit aux petites peluches et à autant d’attention.

 Pr Nicole Sekarski-Hunkeler

Sa mission : Traiter les troubles du cœur chez l’enfant

accueil à l'hôpital
La Professeure Nicole Sekarski-Hunkeler et Aïrat
Pouvez-vous expliquer la problématique du diagnostic dans le parcours d’un enfant en bas âge pris en charge par Terre des hommes ?

 En Afrique, les malformations cardiaques sont diagnostiquées bien après la naissance. Souvent après plusieurs mois ou années car l’accès aux soins spécialisés fait souvent défaut. Faute de moyens pour les traiter, en particulier l’absence de chirurgie cardiaque pédiatrique, beaucoup d’enfants avec une cardiopathie ne survivent pas. Chez nous, ces pathologies sont souvent déjà décelées bien avant la naissance ou dans les premières semaines de vie. Une prise en charge rapide, dans les premières années de vie, permet une guérison et, empêche les effets néfastes, à long terme, de leur cardiopathie non traitée.

Au regard de votre expérience, de quels accueil et accompagnement particuliers les enfants bénéficient-ils à l’hôpital ?

Il serait actuellement inconcevable que les enfants que nous prenons en charge ici en Suisse se fassent opérer dans leur pays. Les structures médicales et l’absence d’expérience chirurgicale pour les malformations cardiaques congénitales sur place ne le permettent pas. Les parents nous font confiance et nous mettons tout en œuvre pour les aider. Le rassemblement de compétences et de soutien autour de ces enfants est vraiment très fort. Une hospitalisation reste malgré tout une épreuve, rien de bien drôle.

Lorsque ces enfants arrivent à l’hôpital, ils se retrouvent parfois seuls. Chez eux, ils sont toujours très proches de leur mère et bien souvent portés. Les infirmières en cardiologie et dans les différents services de pédiatrie sont très sensibles à leur accueil. Certaines d’entre elles n’hésitent pas à les porter sur leur dos, tout en continuant leurs activités. On leur offre une attention particulière, ce sont les chouchous du service ! Les médecins et les infirmières prévoient davantage de temps pour les voir, afin de les rassurer et de jouer avec eux. Souvent, l’examen clinique est fait dans les bras de l’infirmière. Nous veillons à ce que ce lien, cette attention particulière, s’opère aussi dans les autres services. Quand un enfant ne va pas bien, nous sommes tous là pour nous en occuper.

Pour le reste, à savoir la partie médicale proprement dite, c’est somme toute une prise en charge attentionnée qui n’est guère différente de celle prodiguée aux jeunes patients suisses qui vont également sans leurs parents en salle d’opération. Dans la mesure du possible, les enfants de Terre des hommes sont regroupés dans la même chambre. Une équipe composée d’un cardiologue, d’un pédiatre, d’infirmières et d’éducatrices travaille en permanence pour faire en sorte que leur accueil soit le plus agréable possible. En 2021, un nouvel hôpital pédiatrique, dédié à l’enfant améliorera encore sensiblement leur prise en charge.

Après des années de pratique en qualité de cardiologue, que diriez-vous du programme de transferts de Terre des hommes ?

Le programme de transferts de Terre des hommes est excellent. Il permet d’offrir des soins de qualité et une guérison à des enfants gravement malades qui n’auraient pas la possibilité d’en avoir. Il nous ouvre les yeux sur le reste du monde et sur les difficultés que des enfants rencontrent dans leur vie. D’un point de vue purement médical, les cardiopathies que nous rencontrons sont souvent plus complexes, car l’enfant n’a pas eu un accès aux soins suffisamment tôt. Leur cœur a déjà souffert. Ce programme offre à toute la chaîne médicale la possibilité d’acquérir des connaissances pointues. Elles nous permettent d’améliorer notre savoir-faire dans ce domaine, et donc la prise en charge des enfants suisses aussi. Il y a un vrai transfert de compétences de part et d’autre. C’est un programme que nous voulons mettre davantage en valeur.

Accueil en Suisse et aide sur place : quel est votre avis sur ces deux actions parallèles ?

 Les deux actions sont complémentaires. Il est fondamental de continuer à nous rendre dans ces pays en voie de développement pour des missions cardiochirurgicales. Cela permet de renforcer les compétences locales. A terme les enfants avec une cardiopathie congénitale pourront bénéficier d’une prise en charge optimale dans leur pays. Il faut cependant être réaliste. En Suisse, il nous a fallu cinquante ans de chirurgie cardiaque pour atteindre l’excellent niveau qui est le nôtre aujourd’hui. Il faudra donc aussi des années pour arriver à une prise en charge comparable sur place. En parallèle, il est donc tout aussi essentiel de pouvoir continuer à offrir aux enfants les plus démunis et avec les malformations les plus complexes une prise en charge ici, en Suisse. Car si nous suspendons cette action, beaucoup d’enfants continueront malheureusement de décéder dans leur pays.

Quel regard portent les enfants sur La Maison ?

 Les enfants adorent La Maison et en parlent de manière enthousiaste. Pour les tout-petits, ce n’est malheureusement pas possible de connaître leur ressenti mais leur sourire, lorsque l’on mentionne Massongex, en dit plus que toute parole. La Maison, c’est un peu comme une grande famille africaine. Il y a des enfants partout, les grands s’occupent des petits et cela remplace, un peu, leur famille pour le temps qu’ils sont en Suisse. C’est rassurant et ça permet probablement de leur faire oublier les moments les moins agréables de leur transfert. Les progrès dans la prise en charge, l’amélioration des techniques et les soins de qualité prodigués à La Maison contribuent à faire diminuer le temps de séjour des enfants en Suisse.

Auriez-vous une invitation particulière à formuler aux lecteurs du journal ?

Tout le monde devrait visiter une fois La Maison. Je les invite à la soutenir financièrement, à se rendre au festival, et à s’engager comme bénévole afin de partager ce bonheur.

Anne Conne-Borghini

Sa mission : Se rendre au chevet des enfants Hospitalisés

accueil des marraines
Anne Conne-Borghini et Aboubacar

« Avec les petits, les contacts sont physiques. Nous les prenons par la main, leur faisons des câlins, il faut être douce, tendre. Bien les entourer, les cajoler, les consoler, être patiente… Impossible de remplacer les parents, mais nous pouvons leur apporter des moments d’attention et d’amour.

L’accueil des tout-petits, des moments d’attention et de tendresse

Nous jouons, nous dessinons. Quand c’est possible, nous allons au jardin faire de la balançoire ou une promenade en poussette. On se prend en photo, on va manger des glaces. S’ils sont trop fatigués pour sortir, nous regardons un livre d’images, faisons des dessins, de petits puzzles ou écoutons de la musique. Nous sommes très proches dans ces moments-là. On les prend dans nos bras, on les assied sur nos genoux, on leur caresse la joue ou la main… On passe juste un moment ensemble, un moment de tendresse et d’attention.

Nous sommes, pour ces enfants, des adultes de référence. Ils s’adressent à nous si quelque chose ne s’est pas bien passé, s’ils ont des questions, ou besoin de quoi que ce soit.

Apprendre à se connaître

Avec les plus grands, nous échangeons, nous discutons. Nous les questionnons sur leur famille, sur leur pays, leurs projets, et nous apprenons à nous connaître. On évoque les différences entre nos cultures, les rapports entre les gens, entre les hommes et les femmes. On parle politique, on ne s’ennuie jamais! J’admire leur vitalité, leur courage et leur énergie.

Dans le monde hospitalier, avec ses moments graves et tendus aussi, j’essaie d’apporter aux enfants des moments de détente, de distraction, un peu de fantaisie, de légèreté, de gaieté. Oublier, rigoler… Quand je sens que j’ai pu apporter cela, ça me fait vraiment très plaisir !

Souvent les enfants viennent avec une photo d’un ou de plusieurs membres de leur famille. On l’accroche à leur lit ou au mur de leur chambre. C’est chouette de regarder la photo avec eux et de nommer « maman », « papa », pour leur signifier que nous aussi, nous voulons cultiver le lien avec la famille. Que même s’ils sont loin, ils sont « là » !

Les « chouchous » de tous

Les enfants de Terre des hommes sont particulièrement choyés par les soignants de l’hôpital. Médecins, infirmiers et infirmières, aides-soignants, maîtresses, physiothérapeutes, tout le monde donne beaucoup d’affection à ces petits qui sont seuls, sans leurs parents. Ils ont une place un peu à part… Ils sont souvent dans le bureau des infirmiers, sur leurs genoux, ou dans des poussettes. Ce sont les « chouchous » des services de l’Hôpital des enfants !

C’est extraordinaire de voir à quel point ils s’adaptent rapidement. Après leur opération, ils évoluent à toute vitesse, c’est magnifique ! »