Urgence à La Maison! - Maison de Terre des hommes

Urgence à La Maison!

écrit le 15.12.2021

Quarante enfants accueillis simultanément, âgés de 2 à 18 ans, parfois plus. Une dizaine de pays de provenance. Trois opérations du cœur par semaine. Il n’est ni prétentieux, ni exagéré d’affirmer que La Maison est un environnement unique en son genre. Éclairage sur la gestion d’une situation d’urgence à La Maison.

Le personnel veille sur la santé des enfants confiés 24h sur 24, 365 jours par année. Dans ce lieu singulier le petit bobo souvent bruyant et le malaise grave parfois discret s’entrechoquent régulièrement. Minimiser un problème ou l’appréhender de manière superficielle sont proscrits, car les conséquences peuvent s’avérer très graves. Le professionnalisme des équipes est capital. Parmi les problèmes bénins et quotidiens des jeunes patients, il y a la situation d’urgence qu’il ne faut absolument pas rater. Parfois, la vie de certains enfants ne tient qu’à un fil. 

Une attention de tous les instants

Les éducateurs, stagiaires, veilleuses et infirmiers qui partagent le quotidien des enfants doivent être extrêmement attentifs au comportement des enfants. Une situation d’urgence peut survenir à tout moment. Il est essentiel que les observations et les informations qui en découlent soient les plus précises possibles en cas d’urgence. Si un stagiaire remarque, par exemple, qu’un enfant est accroupi (position du squatting), le syndrome d’une crise, il doit immédiatement en faire part à un éducateur. Ce dernier évalue la situation et l’emmène immédiatement à l’infirmerie.

Le rythme cardiaque de chaque enfant fait l’objet d’observations quotidiennes à l’infirmerie. L’irrégularité la plus subtile peut être le signe d’une complication grave. 

Passage de relais 

Le personnel de l’infirmerie prend immédiatement des mesures, effectue divers contrôles et décide rapidement d’un transfert à l’hôpital en ambulance ou non. La collaboration étroite entre les équipes éducatives, infirmières, ainsi que les veilleuses est essentielle. Chacun observe les enfants, consigne les informations dans les rapports et trans-met, lors des colloques quotidiens, les éléments sensibles. Ces données permettent aux infirmiers de déterminer si l’état d’un enfant s’est dégradé dans les jours ou les heures qui précèdent et indiquent une éventuelle urgence vitale. Compléments essentiels aux contrôles effectués à l’infirmerie, toutes les observations permettent aux infirmiers de prendre la décision d’un transfert, ou non, vers un hôpital.

Le « post opératoire », une étape importante 

Dans les semaines qui suivent une opération, la vigilance reste de mise pour le personnel de La Maison. L’équipe soignante est attentive à tout symptôme signe avant coureur d’une complication. Cette dernière peut être « sournoise » souvent imperceptible jusqu’à l’apparition de symptômes graves.L’équipe infirmière doit alors rapidement intervenir et déclencher une prise en charge médicale en urgence. N’oublions pas que ces situations sont très compliquées à gérer tant pour l’enfant qui vit une convalescence compliquée et perturbée que pour le personnel de La Maison.

Gestion d'une urgence à La Maison, éclairage
Gestion d’une urgence à La Maison, éclairage

5 questions à Juliette Coudray, infirmière

Quelles pathologies sont sujettes à des complications ?

Les enfants qui souffrent de noma n’ont pas de risques réels de complications médicales après leurs opérations. Pour les sténoses de l’œsophage, il arrive qu’un enfant ne puisse rien avaler et se déshydrate. C’est l’un des risques liés à cette pathologie. Je dirais que les urgences vitales touchent vraiment principalement les enfants cardiaques. Ces urgences peuvent avoir lieu avant leur opération et après également provoquées par des épanchements péricardiques, il s’agit de saignements autour du cœur. Ces complications peuvent survenir jusqu’à trois semaines après l’opération. Les enfants souffrant de troubles cardiaques peuvent présenter des signes de détresse respiratoire. 

Comment gérez-vous ces moments angoissants pour l’enfant et son entourage ?

À l’infirmerie de La Maison, nous sommes là pour évaluer les situations d’urgence et nous sommes formés pour cela. La responsabilité est importante, car nous devons être capables de gérer ces situations critiques et souvent impressionnantes pour le personnel et les autres enfants. Nous recherchons des indications sur la gravité de la situation. La façon de respirer de l’enfant, la régularité de son rythme cardiaque ou encore son état de conscience nous donnent des informations sur l’importance du trouble. Des appareils de monitoring nous permettent d’effectuer une surveillance clinique. Les enfants souffrant de cardiopathies et non opérés ont souvent besoin d’être mis sous oxygène. Si dans les quinze minutes, l’état de l’enfant ne s’améliore pas, on organise avec le 144 son transfert en urgence vers hôpital. 

Les ambulanciers apprécient notre expertise des pathologies dont souffrent les enfants et des situations complexes qui peuvent en découler.

Juliette Coudray, infirmière à La Maison
Juliette Coudray, infirmière à La Maison avec un petit pensionnaire
Juliette Coudray contrôle le rythme cardiaque d’un petit pensionnaire opéré du coeur
Comment se passe une urgence à La Maison, une fois que vous avez appelé le 144 et que l’ambulance arrive ?

Nous communiquons à la centrale des informations relatives à l’enfant, comme son âge et nos observations. Nous jugeons également si la présence d’un médecin (SMUR) est nécessaire. Une fois les ambulanciers sur place, on leur fait part de la situation, de nos observations et des contrôles effectués. On collabore toute la durée de la prise en charge. Celle-ci est facilitée par le fait que nous sommes formés dans les soins pédiatriques et que nous parlons un langage médical commun. Les ambulanciers apprécient notre expertise des pathologies dont souffrent les enfants et des situations complexes qui peuvent en découler d’autant qu’ils n’ont pas très souvent l’occasion de faire des interventions pédiatriques.

Une fois que l’enfant est pris en charge à l’hôpital, comment se passe son suivi par l’infirmerie de La Maison ?

On laisse le temps au personnel des urgences d’effectuer leur travail. Nous les contactons quelques heures après, pour avoir des nouvelles de l’enfant. Il est important de savoir s’il a pu rester à l’hôpital de Rennaz ou s’il a dû être transféré au CHUV ou aux HUG en ambulance ou en hélicoptère. Si l’enfant peut rester à Rennaz, ça signifie qu’il pourra, normalement, revenir à La Maison avant son opération. Si la prise en charge d’urgence doit se poursuivre au CHUV ou aux HUG l’enfant, s’il n’a pas encore été opéré, ne reviendra pas à La Maison. La date de l’opération sera avancée pour la sécurité de l’enfant.

Les ambulanciers sont très choux avec eux. Ils les rassurent, les appellent par leur prénom.

Juliette Coudray, infirmière à La Maison
Comment un enfant vit-il une situation d’urgence ? Et comment l’accompagnez-vous ?

C’est une situation très difficile pour l’enfant. On lui explique qu’il va devoir partir de La Maison en ambulance avec un médecin pour être pris en charge dans un hôpital, parce qu’il a besoin de soins différents de ceux qu’on peut lui apporter ici. On l’encourage et on le rassure, afin de réduire son anxiété. La transition est très difficile d’un point de vue émotionnel parce qu’il se sent en sécurité avec nous. C’est surtout le cas avec les urgences préopératoires, parce que l’enfant est très souvent désorienté. Il a vécu récemment la séparation avec ses parents, pris l’avion puis découvert l’hôpital pour un bilan initial où on lui a fait beaucoup d’examens. Enfin arrivé à La Maison, il s’est apaisé, a trouvé des camarades et a pris un rythme de vie moins mouvementé, moins perturbant. Lorsqu’une urgence survient au début du séjour, c’est compliqué. Ça rajoute du stress au moment de sa prise en charge, et c’est pas du tout ce qu’on lui souhaite; donc on essaie de le rassurer du mieux qu’on peut, mais c’est très difficile. On lui explique que, pour son bien, il doit voir un médecin pour vite aller mieux.

Est-ce qu’il arrive qu’un enfant ne veuille pas partir en ambulance ?

Non, en général, les enfants pleurent parce qu’ils ont peur et qu’ils sont très fatigués. Parfois, certains sont tellement exténués qu’ils n’ont pas véritablement conscience de ce qui est en train de se passer. Mais les ambulanciers sont très choux avec eux. Ils les rassurent, les appellent par leur prénom. Ils nous demandent toujours si l’enfant a un doudou pour faire la transition. Ils sont vraiment très attentifs au bien-être de l’enfant.


Feux bleus et sirènes solidaires : Les Ambulances Clerc SA à Monthey

Prêtes à partir à n’importe quel moment de la base de Monthey, leurs ambulances sillonnent chaque jour les routes du Chablais rappelant à chacun, que quelque part, pas très loin, on lutte pour la vie. Parfois, les feux bleus éblouissants des gyrophares tournoient contre les murs de La Maison pétrifiée par l’angoisse de ces moments.

La prise en charge des enfants séjournant à La Maison nécessite une chaîne de compétences très complexe. Engagée en urgence par le 144, Ambulance Clerc SA est un de ces maillons indispensables. Depuis des dizaines d’années, l’entreprise de secours offre à l’institution les prestations d’urgences de La Maison jusqu’à l’hôpital de Rennaz. Elle mettait également à disposition pour le festival, une ambulance et son équipage. Une générosité et une solidarité admirables que nous nous devons de saluer ici.

6 questions à Stéphane Rigo, responsable opérationnel 

Lorsque vous êtes appelés pour intervenir à La Maison, comment se passe la collaboration avec l’équipe infirmière dans la prise en charge de l’enfant ?

Lorsque nous sommes engagés par le 144 pour intervenir à La Maison, nous savons que le motif d’appel est toujours urgent. À arrivée, tout ce qui a pu être initié est déjà fait. La collaboration avec l’équipe notre soignante sur place est très bonne. Cette dernière arrive à passer le relais parfaitement. Tout se passe dans le calme et les transmissions sont ciblées afin que nous puissions rapidement comprendre la situation. En effet, nous devons pouvoir comprendre dans un court laps de temps les problématiques somatiques mais également le contexte dans lequel se trouve l’enfant dans son processus de soins.

Stéphane Rigo, responsable opérationnel
Stéphane Rigo, responsable opérationnel 
Qu’est ce qui est compliqué dans les interventions à La Maison ? La pédiatrie ? Les pathologies ? 

Les pathologies des enfants de La Maison sont particulières. Elles ne représentent pas le quotidien de ce qu’on pourrait rencontrer en termes d’interventions pédiatriques. L’équipe soignante est toujours là pour nous apporter les précisions nécessaires en cas de besoin. Dans certaines situations, la barrière de la langue peut être compliquée pour créer une relation de confiance avec l’enfant. Si l’enfant ne parle pas français, nous utilisons uniquement une communication avec des signes simples ou alors des applications de traduction sur smartphone.

Même avec la barrière de la langue, il comprend que nous sommes là pour lui et que nous allons prendre soin de lui.

Stéphane Rigo, responsable opérationnel
Quel regard portez-vous sur ce qui se passe à La Maison ? 

J’ai pu rencontrer Monsieur Philippe Gex et son équipe à plusieurs reprises, notamment dans le cadre du concept sécurité du festival. J’ai remarqué cet enthousiasme qui les habite pour aller dans un projet commun et mettre l’enfant au centre des préoccupations. Nous intervenons toujours dans un contexte d’urgence et les quelques fois où j’ai pu me rendre sur place en dehors de ce contexte, j’ai été agréablement surpris par la bonne humeur qui y règne avec des enfants vifs et dynamiques.

Qu’est-ce qui motive votre engagement pour ces enfants ?

Nous apportons à l’ensemble des patients pour lesquels nous intervenons la meilleure qualité de prise en charge possible. Chaque intervenant a sa propre sensibilité face à des enfants malades, mais le contexte dans lequel ils se trouvent à La Maison touche tout particulièrement. Depuis plus de 30 ans, nous participons à notre manière en offrant les prestations d’urgences de La Maison jusqu’à l’hôpital de Rennaz. Nous mettions également à disposition pour le festival, une ambulance et son équipage.

Quelle relation avez-vous avec les enfants de La Maison ? Au moment de l’intervention, comment percevez-vous l’enfant et que faites-vous pour l’accompagner au mieux ?

D’une manière générale, le temps passé avec les patients durant nos missions est plutôt court (en moyenne 1h30). Avec les enfants, le défi est d’arriver à créer rapidement cette relation qui va nous permettre de pouvoir expliquer au mieux le déroulement de l’intervention, de rassurer au maximum mais également de pouvoir administrer des soins de manière optimale. Dans un contexte habituel, ce sont les parents qui nous aident à le faire mais à La Maison, c’est l’équipe soignante. L’enfant est dans un processus de soins spécialisés et il en-chaîne justement les soins, les contrôles et la convalescence. J’ai l’impression que même avec la barrière de la langue, il comprend que nous sommes là pour lui et que nous allons prendre soin de lui.

Existe-t-il une expérience à La Maison qui vous a plus marqué que les autres ?

Il y a deux choses qui me viennent à l’esprit. La première est l’impressionnante mémoire de Monsieur Gex qui connaît le parcours et le prénom de chaque enfant qui est, ou qui est passé par La Maison. La deuxième, il y a quelques années, lors d’une formation continue organisée sur le site de Massongex pour nos ambulanciers, les enfants étaient tous très contents d’être présents avec nous. Un peu timides au début, ils ont fini par nous faire des blagues, un spectacle et venir ensuite dans nos bras avec parfois de la peine à nous quitter en fin de journée.