Une journaliste du Nouvelliste en immersion au Sénégal
écrit le 01.09.2018Une journaliste du Nouvelliste a suivi durant trois mois, Abdoulaye, un jeune Sénégalais atteint d’une cardiopathie et opéré en Suisse. Le garçon de 11 ans a dû quitter ses proches pour être soigné. Terre des hommes a organisé la prise en charge totale de l’enfant.
Au mois de mai, Agathe Seppey s’est rendue au Sénégal en tant que journaliste pour Le Nouvelliste. Avec pour objectif : « Comprendre une réalité que si l’on s’en approche le plus près possible », explique-t-elle. Pendant cette mission, la journaliste a rencontré les acteurs humanitaires qui mettent tout en œuvre pour que des enfants sénégalais puissent bénéficier de soins médicaux. La reporter a ainsi pu découvrir l’action de Terre des hommes et du CHUV à Dakar. Elle est allée à la rencontre d’Abdoulaye, jeune sénégalais cardiopathe de 11 ans, en attente de son voyage vers la vie vers la Suisse. Elle le suivra durant tout son chemin le menant à sa guérison dont son séjour à La Maison.
Agathe Seppey, comment avez-vous réagi en prenant connaissance du projet de suivre un enfant bénéficiaire de l’action de Tdh ? Quelles étaient vos motivations à effectuer cette mission ?
Je me suis tout de suite sentie très honorée que l’on me confie un tel projet. Parce que, parmi le grand nombre de sujets que l’on traite chaque semaine quand on est journaliste, ceux qui mettent l’humain au centre sont ceux qui me touchent le plus. De plus, les milieux de l’humanitaire et de l’enfance m’attirent particulièrement depuis longtemps. Ils renferment une richesse humaine immense, qui passe par des expériences de vies singulières et très en relief.
Aviez-vous déjà effectué un reportage de la sorte auparavant ?
C’était une expérience nouvelle, je n’ai jamais été aussi impliquée dans le secteur de la santé et de l’humanitaire en même temps.
En tant que journaliste, comment vous êtes-vous préparée avant de vous lancer dans cette mission ?
Professionnellement, je me suis renseignée au mieux sur l’action de Terre des hommes et de Tdh-Valais. J’ai anticipé ce qui a pu l’être sur ce que j’allais pouvoir obtenir comme informations et images à Dakar. Côté psychologique, j’ai préparé mon cerveau et ma petite sensibilité en discutant avec ma sœur. Ancienne infirmière à l’hôpital d’Aigle, elle a vu passer beaucoup d’enfants avant leur transfert à Massongex et connaissait donc un peu mieux que moi leur réalité médicale et morale. J’avais imaginé des conditions de vie, mais on ne peut jamais être 100% prêt psychologiquement à vivre quelque chose comme cela. Ce qui rend l’expérience très intense, c’est que, là-bas, tout se mélange. Tout est contraste. L’environnement pauvre, la simplicité extrême, la joie immense, la peur, la maladie, la séparation, l’inquiétude, le soulagement énorme, la guérison.
Quelles ont été vos premières impressions en arrivant au Sénégal et en rencontrant Abdoulaye ?
Dans les deux moments, ce qui m’a le plus frappée a été la fraternité des gens qui m’ont accueillie. Il y a quelque chose de familial qui flotte dans l’air, quasiment partout. La famille d’Abdoulaye m’a tout de suite ouvert ses portes et intégrée à son monde. De son côté, j’ai vu rapidement qu’il s’agissait d’un enfant serviable et sociable, il m’a donné une impression de grande maturité.
Comment s’est passé le premier contact avec Abdoulaye ? A-t-il été difficile de dialoguer et partager avec lui ? Ou au contraire, cela a-t-il été facile ?
Chez lui, dans sa famille, il s’est assez rapidement ouvert à moi. Aborder la maladie n’a pas été très compliqué puisqu’il savait que je venais notamment pour cela. Il avait très certainement appris quelques phrases qu’il répétait tout le temps. Il a fallu un peu creuser pour atteindre ce qui se trouvait au fond de lui ou ses émotions. Cela n’a pas toujours été facile, mais c’est aussi normal pour un enfant de 11 de ne pas s’épancher sur ce genre de choses.
Quels ont été les difficultés rencontrées au cours de ce reportage ?
Il n’a pas toujours été simple de rester centrée sur le reportage. J’avais envie de tout raconter, tout prendre en photo, de faire mille reportages, tant tout est riche en histoires. Mais je pense que le plus difficile – et c’est bien entendu toujours le cas maintenant qu’Abdoulaye est en Suisse – est de gérer la frontière entre ce qui relève du journalisme et du personnel. Tout se mélange, il n’y a plus vraiment de séparation et il faut le digérer. Il faut rester professionnel tout en étant humain, et accepter sa sensibilité tout en continuant à garder ses réflexes de journaliste.
Avez-vous été surprise ou prise au dépourvu lors de cette mission ? Si oui, à quel(s) moment(s) et pourquoi ?
On est fatalement pris au dépourvu lorsqu’on voit la maladie d’aussi près, qu’on confronte des parents inquiets qui feraient tout pour leurs enfants mais qui ne peuvent parfois pas faire davantage que ce que leurs moyens leur permettent.
Quels ont été les moments mémorables ?
La journée que l’on a passée dans la famille d’Abdoulaye en fait partie, naturellement. Il y a aussi cette expérience captivante où j’ai assisté à l’opération à cœur ouvert d’un enfant rencontré la veille à l’hôpital. C’était la première fois que j’étais si proche du noyau de la vie. J’ai revu l’enfant le lendemain, gardé contact avec son papa, c’était très fort de le voir avancer comme cela vers le renouveau.
Connaissiez-vous déjà l’action de Tdh Valais avant de vous lancer ? Si oui, comment votre vision de Tdh a-t-elle changé ?
Oui, mais de façon assez éloignée. En tant que Valaisanne, je connaissais La Maison, savais que des enfants y séjournaient mais ne me rendais pas vraiment compte du chemin qu’ils traversaient. Massongex est une étape capitale, une mini-vie dans leur existence, car ils y passent du temps précieux après avoir vécu l’opération qui changera le cours de leur destin.
Quel est votre regard sur l’action et les acteurs de ces missions ?
Ces missions sont très riches. Médicalement parlant, elles permettent de sauver des enfants qui vivent avec un poids sur leur cœur et leur vie dès leur venue au monde. Elles offrent aussi l’opportunité à un pays de développer des compétences capitales en termes de santé publique. Quant à l’équipe opératoire venue de Suisse romande, j’ai beaucoup apprécié son humilité et son accessibilité.
Est-ce que cette mission vous permet de mieux comprendre ce que vivent les enfants de La Maison ?
Je pense qu’on ne peut comprendre une réalité que si l’on s’en approche le plus près possible. Quoi de mieux, dès lors, que de suivre le destin d’un enfant en totale immersion ? Celle-ci permet de prendre la mesure des choses, et surtout leur profondeur.
Est-ce que le suivi de cet enfant vous fera appréhender certaines choses d’une autre manière ?
C’est déjà le cas. Je me rends davantage compte, déjà, de l’importance d’avoir une structure stable pour Tdh-Valais. Pour que celle-ci puisse donner à ces enfants – qui vivent des choses très intenses pour leur âge – le meilleur accueil possible. Pour que celle-ci continue d’être une bulle de bien-être dans un chemin difficile, mais qui les mène vers le mieux.
Seriez-vous prête à réaliser un autre reportage semblable ?
Oui bien sûr, les yeux fermés. Mais le stylo en main, la caméra allumée et le cœur prêt à recevoir beaucoup.