Nouveau partenariat entre Mécénat Chirurgie Cardiaque et La Maison

Nouveau partenariat entre Mécénat Chirurgie Cardiaque et La Maison

écrit le 12.12.2022

La Maison signe une convention de partenariat avec le plus grand acteur de transferts d’enfants gravement malades vers l’Europe

« Nous partons très optimistes sur cette collaboration. On va s’apporter mutuellement, j’en suis convaincue. »

Francine Leca, professeure de médecine spécialisée en chirurgie cardiaque, fondatrice de Mécénat Chirurgie Cardiaque

Nous sommes très heureux de pouvoir vous annoncer une nouvelle collaboration et la signature d’une convention de partenariat avec l’association française basée à Paris Mécénat Chirurgie Cardiaque. Active depuis plus de 25 ans, Mécénat est devenue la plus grande organisation dans le transfert d’enfants malades vers l’Europe. Nous pourrons donc à l’avenir compter sur un acteur important, avec une expérience solide et des compétences irréprochables, et surtout qui partage notre vision de l’action humanitaire ainsi que de l’urgence à sauver les vies d’enfants en danger. Les patients que l’organisation nous confiera dans le futur souffrent des mêmes pathologies que les enfants que nous avons accueillis jusqu’à aujourd’hui, à savoir des cardiopathies sévères. Ces jeunes patients se feront toujours opérer aux HUG et au CHUV, nos partenaires médicaux essentiels et engagés.

Propos recueillis par Baptiste Fellay et Grégory Rausis

Francine Leca : pionnière de la chirurgie cardiaque en France

En 1996, Mécénat est fondée par Francine Leca, première femme chirurgienne cardiaque de France, puis première femme cheffe d’un service de chirurgie cardiaque. En prenant conscience des inégalités en termes d’accès aux soins de pointe dans le monde, elle décide d’agir.

Un jour de novembre 1995, la chirurgienne reçoit une lettre envoyée depuis l’Iran. C’est un père de famille qui lui écrit: son fils est atteint d’une grave maladie cardiaque. Il l’implore de le sauver. Sa lettre sous le bras, Francine Leca fonce plaider sa cause auprès de la direction de l’hôpital où elle opère. Mais le refus est catégorique : on ne peut pas se permettre de prendre en charge financièrement les opérations d’enfants étrangers.

Cependant, la professeure Leca n’est pas du genre à abandonner. Cette situation lui est inacceptable: la technologie et les compétences pour sauver cet enfant sont là, autour d’elle. Ce qu’il manque, c’est de l’argent. Elle part donc le chercher. Et le trouve. Mécénat était née.

Aujourd’hui, Mécénat a permis de sauver la vie de plus de 4’000 enfants, originaires de 70 pays. Et ce nombre doit continuer à croître, de plus en plus vite, grâce à la collaboration de l’association parisienne avec La Maison de Massongex.

Nous sommes ravis d’entamer cette aventure aux côtés de Mécénat, dont la genèse n’est pas sans rappeler celle du Mouvement Terre des hommes et la ténacité passionnée de la fondatrice celle d’un certain Edmond Kaiser.

Mécénat est également active dans la formation des médecins sur le terrain et dans le développement de technologies pour faciliter les consultations et les diagnostics. L’association parisienne investit aussi parfois dans la scolarisation des enfants qu’elle a sauvés, et dans des projets de décarbonisation en Afrique pour compenser le CO2 émis pour le transport des enfants vers l’Europe.

Mécénat Chirurgie Cardiaque en quelques chiffres (Source rapport d’activité MCC 2021)

Première femme chirurgienne cardiaque en France, elle a également fondé une association pour soigner les enfants pauvres atteints de malformations cardiaques.

Francine Leca (FL), fondatrice et présidente de Mécénat, et Orso Chetochine (OC), son fils, directeur général de l’association, se sont prêtés au jeu de l’interview. Aujourd’hui, la vive octogénaire n’opère plus, mais continue de sauver des enfants avec le concours dynamique de son fils. Rencontre.

Pr Francine Leca Fondatrice de MCC
Première femme Chirurgienne Cardiaque en France
Cheffe des services de chirurgie cardiaque des hôpitaux Laennec puis Necker (Paris) jusqu’en 2003
Fonde Mécénat Chirurgie Cardiaque en 1996
Distinctions :
1995 : Chevalier de la Légion d’Honneur
2009 : Officier de l’Ordre National du Mérite
2019 : Grand Officier dans l’Ordre de la Légion d’Honneur

Orso Chetochine
Directeur de Mécénat Chirurgie Cardiaque
Formation et carrière avec postes de direction dans le marketing et la communication.
Rejoint en 2014 Mécénat Chirurgie Cardiaque pour en prendre la direction générale.

Professeure Leca, le déclencheur a été cet enfant iranien que votre hôpital a refusé de prendre en charge ?

FL : Il faut toujours un facteur déclenchant. L’échec est toujours stimulant. J’avais déjà créé une association pour rénover les chambres de l’hôpital où je travaillais, qui était très vieux. J’avais trouvé du financement assez facilement.

Quand j’ai reçu ce courrier et que j’ai essuyé le refus de la direction de l’hôpital, je me suis dit que si j’avais trouvé de l’argent pour réparer des robinets et des douches, je trouverais de l’argent pour opérer des enfants malades. C’est ainsi qu’une entreprise pharmaceutique m’a signé le premier chèque, qui a permis de faire venir le premier enfant. Les premiers venaient de Moldavie. Un jeune chirurgien moldave était en effet en stage dans mon hôpital et m’avait expliqué les besoins dans son pays. On a le pouvoir entre nos mains de transformer la vie d’un enfant. On en a la compétence, en France comme en Suisse. Il manque de l’envie et de l’argent pour le faire.

Professeure Francine Leca ausculte une patiente. Crédits : MCC

Et vous Orso, vous avez quitté une place dans le privé pour reprendre la direction de cette association.

OC : Effectivement, j’ai fait pas mal d’années dans le marketing et la communication. Il y a maintenant 9 ans, j’ai rejoint l’association pour la faire rayonner, pour apporter mon savoir-faire au profit des enfants.  Avant, j’avais déjà été bénévole, famille d’accueil et fundraiser pour Mécénat. C’est donc une suite logique, et c’est également une continuité de mon expérience dans le marketing : j’ai toujours aimé mes clients et les produits que j’ai défendus. Bon, là c’est sûr que ça a plus de sens. Et c’est gratifiant, lorsqu’on a certaines compétences, de pouvoir en faire profiter les autres. Je considère que j’ai eu pas mal de chance dans la vie, et que si je peux donner, c’est que je suis du bon côté de la barrière.

Professeure Leca (à droite) en pleine intervention chirurgicale. Crédits : Philippe

Une de nos autres fondations partenaires, « Une chance, un cœur », a également été fondée par un professeur de médecine, le cardiologue suisse Jean-Jacques Goy. Est-ce qu’en tant que médecin, on répond à une vocation spéciale, on se sent une certaine responsabilité ?

FL : Je pense que tout le monde est sensible. Mais un médecin agit dans son domaine. Le mien, c’est la chirurgie cardiaque pédiatrique. J’agis dans ce domaine-là.

Au bout d’un moment, on se rend compte que l’on est des superprivilégiés. Quand on est malades, on est soignés gratuitement. En Afrique, les soins en général, et la chirurgie cardiaque en particulier, sont inaccessibles pour beaucoup de gens. On ne peut pas rester insensibles à ça. Quand on voit un enfant tout bleu, qui n’arrive pas à marcher, je me dis que s’il passe entre trois et quatre heures sur une table d’opération entre des mains expertes, il va repartir en jouant au football. Vous le voyez bien à Massongex. C’est magnifique ce que vous faites. Et vous voyez le résultat de notre action tous les jours.

Je suis chirurgienne pédiatrique, donc j’opère des enfants – j’insiste là-dessus – pour réparer leurs cardiopathies congénitales. C’est une grande spécificité dans la chirurgie cardiaque. On a créé cette association parce que les besoins sont immenses : c’est une chirurgie très onéreuse, des enfants meurent faute de pouvoir être opérés. Mais s’ils y ont accès, cette chirurgie leur offre un avenir, leur permet d’entrer dans la vie comme tous les enfants du monde. J’appelle ça une chirurgie miracle. Je me suis dit qu’il fallait en faire profiter le plus grand monde. Ce qu’il manque c’est de l’argent, on va donc se bouger et on va en trouver. On a commencé par quelques malades, en augmentant ensuite progressivement le nombre d’enfants, mais en faisant toujours attention à ce que la qualité de la prise en charge prime sur la quantité.

Mais est-ce qu’on ne pourrait pas prendre en charge ces opérations dans les pays d’origine des enfants ?

FL : Ma réponse va être très simple. Votre fille doit être opérée, vous préférez qu’elle le soit à Genève ou à Bamako ? Je comprends que certaines personnes soulèvent ce genre de questions. Faut-il aller opérer sur place ? Construire des hôpitaux ? Faire venir les enfants en Europe ? Il faut tout faire. Ce n’est pas une concurrence. On juxtapose nos efforts. Partout sur la planète, il y a 8 enfants sur 1000 qui naissent avec une malformation cardiaque, et 3 sur 1000 qui ont besoin d’un geste chirurgical. Mais j’insiste sur le fait qu’on ne doit pas bricoler. On n’opère pas mal, ou à peu près, un cœur d’enfant. Un cœur d’enfant, c’est un bijou, et un bijou ça se met dans un écrin, ça se peaufine. Il faut que quand on touche un cœur d’enfant, ce soit dans les meilleures conditions possibles. On doit lui offrir le mieux.

Actuellement, dans de nombreux pays – demain je pense que les choses changeront -, on ne peut pas opérer un enfant cardiaque dans les meilleures conditions qui soient. Il faut des installations excellentes, il faut une maintenance excellente. Il est bien évident qu’un Sénégalais ou un Malien n’est pas moins compétent qu’un Suisse ou un Français. On en a d’ailleurs formé beaucoup, avec Mécénat. Mais quand ils rentrent chez eux, ils n’ont pas les moyens de travailler. Actuellement, nous avons donc toute notre place dans la chaîne de soins. Par contre, nous faisons des missions de formation dans les pays, et des missions de cardiologie pédiatrique pour poser des diagnostiques.

OC : Nous ne faisons pas ça pour gagner notre vie. On pourrait très facilement faire autre chose. Dans la pub, j’avais des week-ends et des soirées.

Mère et fils au service d’une même cause. Crédits : MCC

Travailler avec La Maison nous permet surtout de démarrer en toute conscience, parce que vous avez une grosse expérience.

Orso Chétochine, Directeur de Mécénat Chirurgie Cardiaque

Comment abordez-vous cette nouvelle collaboration avec La Maison ?

FL : J’ai rencontré plusieurs employés de La Maison et de nos futurs partenaires en Suisse, avec qui le courant est très bien passé. Je ne me fais aucun souci pour notre collaboration. On va bien travailler ensemble. La seule différence pour nous, c’est que les enfants que nous allons transférer en Suisse vont arriver à La Maison, alors qu’en France ils partent en famille d’accueil. Nous avons un réseau de 300 familles d’accueil. Quand on transfère un enfant, on s’organise avec les familles pour savoir si elles sont libres, etc. Donc c’est un vrai boulot, une charge de travail: il y a une employée chez nous qui s’occupe à plein temps des familles d’accueil.

On est très contents de travailler avec la Suisse. Je connais très bien René Prêtre, qui était venu il y a très longtemps en formation dans mon hôpital. Je connais également personnellement les équipes chirurgicales, qui sont de qualité. Vous m’entendrez sans arrêt parler de ce mot : qualité. On ne bricole pas.

Le potentiel de chirurgie s’élargit grâce aux hôpitaux suisses : on a des lits en plus à disposition pour opérer des enfants. Ça nous ouvre donc un potentiel de salles d’opération, avec des gens compétents. La Suisse, en plus, c’est à côté. Ça n’est pas compliqué pour le voyage, puisque c’est notre partenaire Aviation Sans Frontières qui transportait déjà les enfants de Terre des hommes Lausanne, en passant par Paris. Ça ne va donc rien changer, et c’est assez confortable. Et la notion de cette Maison de Massongex nous plaît beaucoup bien sûr.

OC : Je pense que La Maison est une bonne solution pour les enfants, notamment quand ils sont un peu plus grands. Parfois, ils s’ennuient avec les parents d’accueil. Je pense qu’à Massongex, ils seront un peu plus épanouis. Ils seront scolarisés par La Maison et seront avec des copains qui seront de leur âge. Ils seront un peu moins seuls.

Je pense aussi que notre collaboration va permettre un partage de compétences. Ça fait 60 ans que vous faites ce que vous faites, et je pense que c’est une corde de plus à notre arc. Pour le système humanitaire, je pense que ça ne va pas changer grand-chose. Les médecins dans les pays savaient très bien diriger les enfants, soit vers Terre des hommes Lausanne, soit vers nous. Ils connaissent toutes les associations et tentent leur chance à droite et à gauche. Ils viendront donc à l’avenir simplement plus vers nous.

Travailler avec la Suisse, ça ouvre des lits, comme on l’a dit, mais travailler avec La Maison nous permet surtout de démarrer en toute conscience, parce que vous avez une grosse expérience. Si on devait agrandir notre réseau de familles d’accueil, il nous faudrait un an pour le réaliser. Et pour certains enfants, pour qui c’est plus compliqué avec les famille d’accueil, ça va nous apporter une vraie solution. Ça nous donne plus de flexibilité, et plus de possibilités de répondre rapidement aux besoins.

2023 va marquer la naissance d’un nouveau dynamisme européen dans la solidarité. Nous, on trouve ça chouette.

FL : Nous partons très optimistes sur cette collaboration.   On va s’apporter mutuellement, j’en suis convaincue.

J’appelle ça une chirurgie miracle. Je me suis dit qu’il fallait en faire profiter le plus grand monde.

Francine Leca, fondatrice et présidente de Mécénat Chirurgie Cardiaque

Est-ce ce que vous assurez le suivi des enfants que vous avez opéré ?

FL : J’ai toujours dit qu’on ne laissera jamais tomber nos enfants.  On les suit. C’est parfois compliqué, mais on s’applique. Nous avons ainsi mis en place un parrainage scolaire, quand ils ne peuvent pas être scolarisés pour diverses raisons, pour qu’ils puissent aller à l’école et avancer dans la vie. Nous avons une employée qui s’occupe à 80% du suivi des enfants. C’est ma grande fierté personnelle que, dans 86% des cas, un enfant opéré par Mécénat, nous savons ce qu’il est devenu. Ça ne m’intéresse pas d’opérer un enfant et de ne pas savoir où il en est dans la vie. Parce que c’est ça le but. Ce n’est pas de réaliser une belle opération, ou de s’autocongratuler. C’est de se rendre compte que 20 ans après, ils vont bien et mènent leur vie d’une belle manière. Le suivi de nos enfants est une chose très importante pour nous.