Grâce à des médecins du CHUV, La Maison consolide l’avenir - Maison de Terre des hommes

Grâce à des médecins du CHUV, La Maison consolide l’avenir

écrit le 14.12.2023

La Fondation Terre des hommes Valais accueillera à l’avenir des enfants transférés en Suisse par la Fondation Chirurgie pour l’Enfance Africaine (FCEA), créée par des médecins du CHUV.

l'avenir de la Fondation Chirurgie pour l'Enfance Africaine

Il s’agit de la troisième convention conclue par notre fondation depuis que Terre des hommes Lausanne (Tdh) a mis un terme à notre collaboration.

garçon peut à nouveau regarder vers l'avenir grâce à La Maison de Terre des hommes Valais malgré une sténose caustique de l'oesophage
Noé, atteint d’une sténose caustique de l’œsophage, est le premier enfant transféré par la FCEA accueilli depuis des mois.

La collaboration avec la FCEA n’est pas véritablement nouvelle et a une histoire bien établie. En effet, pendant de nombreuses années, nous avons accueilli des enfants pris en charge par cette fondation. Mais ils nous étaient confiés par Tdh, avec qui la FCEA avait une collaboration étroite. Le retrait de Tdh du programme Soins spécialisés a donc eu un impact drastique précipitant un arrêt quasi-total des transferts d’enfants malades vers la Suisse via la FCEA. Cette dernière a dû reconstruire une chaîne de partenariats pour remplacer les activités de Tdh et pouvoir à nouveau regarder vers l’avenir. Et c’est dans ce cadre que Terre des hommes Valais joue un rôle crucial. Les efforts conjugués de la FCEA, du CHUV et de La Maison vont permettre à des enfants en attente de soins d’être enfin pris en charge.

Noé souffre d’une sténose caustique de l’œsophage. Arrivé à Massongex début octobre, il est le premier patient de la FCEA que La Maison accueille depuis de nombreux mois. Il symbolise donc un renouveau, et l’espoir de survie pour la vingtaine d’enfants que notre partenaire transfèrera chaque année vers La Maison à l’avenir.

Pour en savoir plus sur les sténoses caustiques de l’oesophage, lisez notre article sur l’histoire de Aimé, un autre petit garçon béninois qui souffrait de la même pathologie.

Sauver des vies au CHUV malgré les obstacles

La FCEA, c’est l’histoire de médecins suisses qui s’engagent. Si la fondation à proprement parler voit le jour en 2012, les premières missions de coopération organisées par des médecins du CHUV datent de 1988. Elles assurent des opérations sur place ainsi qu’un suivi à long terme des enfants.

En 2003, le CHUV, Tdh et le Centre Hospitalier du Département du Zou à Abomey, au Bénin, signent un accord de partenariat. Le CHUV et l’hôpital du Zou s’occupent ainsi de l’aspect médical, alors que Tdh doit gérer la sélection des dossiers et la coordination. Des missions chirurgicales sont organisées chaque année à Abomey pour y opérer des enfants béninois et togolais assurer un transfert de compétences aux médecins et infirmiers locaux. On transfert en Suisse les enfants aux pathologies les plus compliquées pour les y être opérer.

En 2012, on créée la Fondation Chirurgie pour l’Enfance Africaine (FCEA) afin de regarder vers l’avenir et de lever les fonds nécessaires aux missions. Mais en 2022, Tdh annonce son retrait du programme Soins Spécialisés. Les activités de la FCEA sont compromises, surtout en ce qui concerne le transfert des enfants en Suisse et leur opération au CHUV. Mais l’équipe médicale qui porte la fondation a conscience des dangers pour la santé de centaines d’enfants. Elle décide alors de se battre pour pouvoir continuer à sauver des vies. Elle se démène et parvient à se réorganiser en trouvant de nouveaux partenaires pour reprendre les activités abandonnées par Tdh. C’est ainsi qu’en 2023, la FCEA signe une convention avec Terre des hommes Valais. La Maison recommencera à accueillir les enfants qu’elle transfère.

garçon nourriture par sonde à La Maison de Terre des hommes Valais
Leïla, éducatrice à La Maison, nourrit Noé par sonde.

Afin de bien saisir les enjeux du transfert d’enfants malades vers la Suisse et le combat des médecins de la Fondation Chirurgie pour l’Enfance Africaine, nous en avons rencontré deux d’entre eux. Interview des docteurs Anthony de Buys Roessingh, chirurgien pédiatre, et Mirko Dolci, anesthésiologiste pédiatre.

médecins du CHUV collaborent avec La Maison de Terre des hommes Valais grâce à la Fondation Chirurgie pour l'Enfance Africaine pour donner un avenir aux enfants
Anthony de Buys Roessingh (à gauche) et Mirko Dolci (à droite) dans une salle d’opération du CHUV.

Notre collaboration va concerner le transfert d’enfants béninois et togolais malades vers la Suisse. Est-ce que vous pouvez nous expliquer pourquoi ces transferts sont encore nécessaires ?

Anthony de Buys Roessingh (ABR) : Il y a de moins en moins de gestes chirurgicaux qu’on ne peut pas accomplir au Bénin. En revanche, le problème concerne les soins intensifs et la réanimation pédiatriques. Ils n’en ont pas. Et sans soins intensifs et réanimation, il y a toute une chirurgie qui leur échappe, parce qu’ils ne peuvent pas garantir les soins post-opératoires. Les enfants concernés par ces opérations doivent être transférés. On n’a pas le choix. On parle surtout des sténoses caustiques de l’œsophage (c’est le cas de Noé), et de la chirurgie cardiaque.

Mirko Dolci (MD) : Le problème de la réanimation et des soins intensifs dépasse notre champ d’action, même à l’avenir. L’infrastructure sur place est inexistante. Pendant encore longtemps, ce maillon de la chaîne de soins risque de faire défaut.

On est très heureux d’avoir ce partenariat avec Terre des hommes Valais, de voir que vous êtes autant motivés que nous. Sans vous, on devrait arrêter les transferts.

Dr Mirko Dolci, Chef de secteur Pédiatrie du service d’anesthésiologie au CHUV
Médecins du CHUV en mission au Bénin
Mirko Dolci devant le bloc opératoire de l’hôpital du Zou

Depuis plus d’une année, ça a été compliqué au niveau des transferts.

ABR : Depuis le départ de Tdh, il n’y en a pas eu. On a été pris au dépourvu. On a dû tout reconstruire et signer des conventions avec Aviation Sans Frontières, le CHUV, Terre des hommes Valais. Ça nous a pris un peu de temps. Nous créons également des conventions avec des gens des pays où l’on travaille, qui repèrent les enfants pour nous les amener lors des missions, comme le faisait Tdh. Au niveau du matériel, on a une collaboration avec une Fondation en Suisse, « Swiss Medical Initiative ». Elle nous permet ainsi d’acheminer notre équipement et nos besoins opératoires.

Aujourd’hui, les transferts recommencent avec Noé, qui est arrivé chez vous début octobre. On regarde à nouveau vers l’avenir. On espère donc pouvoir faire venir des enfants cardiaques dès le mois de janvier 2024. Il y a 200 enfants qui attendent au Bénin, 50 au Togo. Il y en a 10 qui sont morts au Bénin dans les 6 derniers mois. Le personnel sur place, qui les a vu mourir, est très soulagé de voir les transferts reprendre.

MD : On est très heureux d’avoir ce partenariat avec Terre des hommes Valais, de voir que vous êtes autant motivés que nous. Sans vous, on devrait arrêter les transferts.

Mission du CHUV au Bénin
Mirko Dolci, des soignants du CHUV et leurs collègues béninois en action à Abomey.

Quel est l’état du système de santé au Bénin et au Togo ?

ABR : Au niveau chirurgical, ça s’améliore beaucoup. On a un chirurgien sur place, le Dr Espérance Houmenou, qui s’est post-formé au CHUV pendant un an. Aujourd’hui, il opère à Abomey 300 enfants par année. Au Bénin, les chirurgiens pédiatres ont maintenant une formation qui existe depuis 7 ans. Des jeunes chirurgiens l’ont créée.

MD : Il y a aussi une formation en anesthésie au Bénin, qui est très bien. Le souci, c’est le nombre d’anesthésistes formés, qui reste très insuffisant.

Les enfants concernés par ces opérations doivent être transférés. On n’a pas le choix.

Dr Anthony de Buys Roessingh, Chirurgien pédiatre, médecin chef, Service de chirurgie de l’enfant et de l’adolescent et responsable de la chirurgie plastique pédiatrique au CHUV et coordinateur du centre des brûlé

Et en termes de financement ?

MD : Dans les pays africains, la proportion du produit intérieur brut (PIB) dédiée à la santé est en général très similaire au nôtre. La différence, c’est que leur PIB est environ 100 fois moins élevé. Donc, forcément, ils vont investir 100 fois moins que nous dans la santé. Et la santé coûte cher. Grosso modo, les médicaments sont le même prix qu’ici. Nous le savons, car notre équipe achète beaucoup de médicaments et de matériel sur place pour limiter les coûts de transport, et également soutenir le marché local. Au niveau de la construction d’infrastructures, même si elles sont bien moins chères que chez nous, ça reste de très grosses sommes. On a financé un bloc opératoire pour enfants qui nous a coûté 300’000CHF.

Pour les soins médicaux, les frais reviennent en grande partie à la charge du patient et de sa famille. Ils n’ont pas de système d’assurance maladie ou de sécurité sociale.

Médecin du CHUV au Bénin
Anthony de Buys Roessingh opère à Abomey.

Parlez-nous de vos missions sur place.

ABR : On en fait deux par année : une en janvier, pour les interventions chirurgicales. Et une en septembre-octobre, où nous contrôlons les enfants que nous avons opérés en début d’année, et au cours de laquelle nous prévoyons les opérations qu’on va effectuer en janvier suivant. On opère en moyenne 65 enfants chaque année. On en consulte 300.

Il y a aussi un objectif de formation sur place. L’année passée, je n’ai pas opéré. Je n’ai fait qu’aider mes collègues locaux. L’avenir se présente bien. Mirko fait aussi de l’enseignement pour l’anesthésie. Une infirmière du CHUV nous accompagne pour former aux soins post-opératoires, et une ergothérapeute pour une formation en physio- et ergothérapie.

Vous constatez les progrès ?

ABR : Ils opèrent 300 enfants par année. Ça tourne. C’est fantastique.

MD : Et pour les cas qu’il faut transférer, ce sont les médecins sur place qui posent le diagnostic et qui font les examens radiologiques. Pour les sténoses, ils placent la sonde dans l’estomac permettant aux enfants de se nourrir jusqu’à l’intervention principale.  Ensuite, les enfants doivent régulièrement avoir des « dilatations » de leur « nouvel » œsophage, pour éviter qu’il ne rétrécisse en cicatrisant ; ça aussi peut se faire au Bénin.

Vous assurez un suivi pour tous les enfants ?

ABR :  C’est ça notre force : le suivi à long terme. On doit garantir l’avenir de ces enfants. On les suit tous, même s’il y a à peu près 10% d’enfants perdus sur le suivi.

En janvier, l’équipe médicale de la FCEA repartira en mission pour opérer 65 enfants et installer du nouveau matériel à l’hôpital de Zou.