La Maison, 55 ans de solidarité en mouvement - Maison de Terre des hommes

La Maison, 55 ans de solidarité en mouvement

écrit le 24.12.2025

Il y a des convictions si fortes qu’elles finissent par influencer le monde. En 1970, au pied des montagnes valaisannes, un pari d’humanité voit le jour. Des femmes et des hommes s’unissent pour offrir à des enfants gravement malades venus de loin, un lieu d’accueil où la convalescence se vit entourée de soins, de tendresse et d’attention. Ainsi naît La Maison de Terre des hommes Valais, à Massongex.

Depuis 55 ans, cette institution unique fait rayonner les valeurs d’engagement, de bienveillance et de solidarité. Chaque année, près de 180 enfants, venus principalement d’Afrique, y séjournent avant ou après des opérations vitales réalisées dans les hôpitaux universitaires de Lausanne et de Genève. Des gestes impossibles à accomplir dans leur pays d’origine. Ce qu’ils trouvent, ici, va bien au-delà des soins médicaux : un environnement où l’on réapprend à sourire, à jouer, à respirer. Un lieu où la vie reprend son souffle.

Par Valérie Pellissier

Jacques, Hugo et Edmond, pionniers de La Maison. Trois bâtisseurs de la solidarité, unis depuis les premiers jours pour offrir un avenir aux enfants.
Jacques, Hugo et Edmond, pionniers de La Maison. Trois bâtisseurs de la solidarité, unis depuis les premiers jours pour offrir un avenir aux enfants.

« Voir ces petites vies fragiles repartir debout… ça vous marque pour toujours. »

Edmond Pot, bénévole

Là où tout a commencé

Avant que La Maison ne prenne forme dans les esprits, une conviction s’impose, simple et puissante. « L’enfance en péril » devait trouver un abri.

Au tournant des années 1960, Edmond Kaiser, fondateur du mouvement Terre des hommes, est bouleversé par le sort des enfants lors de la guerre d’Algérie. Avec le soutien de Paul Veillon, il fait venir en Suisse des petites vies blessées ou malades, égarées dans le fracas du monde. Elles trouvent une main tendue chez de nombreuses familles de la région de Saint-Maurice et de Monthey. Dans ces foyers valaisans, la solidarité se manifeste dans l’action.

Bientôt, d’autres visages apparaissent, venus du Vietnam, portant les stigmates d’un nouveau conflit. Les familles continuent d’ouvrir leurs portes, fidèles à cet élan du cœur qui ne connaît pas de frontière. Mais le flot de détresse grandit, et l’évidence s’impose. Il faut un lieu pour accueillir ces jeunes patients, un foyer où leur convalescence puisse se vivre dans la douceur et la dignité. En 1970, cette vision prend corps. La Maison ouvre ses portes à Massongex. En 1970, cette vision prend corps. La Maison ouvre ses portes à Massongex.

Les premiers visages de l’espoir

Ce projet naît grâce à des pionniers au grand cœur, animés par une même force. Parmi les premiers à s’engager, Edmond Pot se souvient d’une rencontre bouleversante au début des années 1960. Il croise le chemin d’une petite Vietnamienne, hospitalisée à Saint-Maurice pour de graves problèmes orthopédiques. « Elle est restée deux ans chez nous. Elle était adorable », confie-t-il avec tendresse. Sans enfant, Edmond et son épouse voient en elle une fille du destin. Des années plus tard, ils la retrouvent au Vietnam et l’aident à revenir vivre en Suisse. « Voir ces petites vies fragiles repartir debout… ça vous marque pour toujours », murmure-t-il encore avec émotion.

À ses côtés, Hugo Italiano, 91 ans, mémoire vivante de l’institution, évoque, lui aussi, ces débuts héroïques. Avant même l’ouverture de La Maison, il accueille un petit garçon vietnamien atteint d’une grave pathologie cardiaque. « Il est resté trois ans chez nous. À l’époque, on ouvrait sa porte comme on ouvrait son cœur. » Le budget initial de l’association était modeste, à peine 400 000 francs, mais la générosité, elle, était immense.

« On organisait des marches, des ventes d’oranges, des lotos. On était des mendiants de cœur, mais on avançait. » Les premiers enfants arrivent, rescapés de guerre ou grièvement brûlés. « Certains avaient le menton collé à la poitrine. C’était terrible. Mais les voir repartir guéris, c’était notre récompense. »

Une vie d’engagement au service des enfants

Quelques années plus tard, un jeune homme de 25 ans pousse la porte de Terre des hommes Valais. Jacques Darbellay veut simplement « faire quelque chose pour les autres ». Ce geste discret deviendra le fil rouge de quarante-cinq ans d’engagement fidèle.

Dans les années 1970, tout repose encore sur la solidarité et la débrouille. Le comité se charge de tout, avec une énergie sans faille. Les fonds se lèvent, au rythme des actions populaires. Chacun donne de son temps, souvent beaucoup, toujours avec la même générosité.

Au fil des décennies, La Maison grandit, se transforme. Elle se professionnalise, se structure et devient une institution solide et reconnue par ses partenaires institutionnels et médicaux : le CHUV et les HUG. Avec une émotion contenue, Jacques se confie : « La Maison, c’est un peu toute ma vie parallèle. J’y ai donné beaucoup, mais j’y ai reçu encore plus. »

Avant de s’adresser aux générations qui prennent le relais : « Continuez. Gardez toujours l’enfant au centre. Peu importe les difficultés ou les désaccords. L’essentiel, c’est qu’il soit soigné, nourri, et qu’il puisse rentrer chez lui en bonne santé. »

Une flamme qui se transmet

Aujourd’hui, La Maison s’est modernisée, sans jamais perdre son âme.

Iris Theux en est l’illustration parfaite. « La première personne qui m’a parlé de Terre des hommes Valais, c’est ma maman », confie-t-elle avec douceur. « Collaboratrice du Dr Denis Chevalet, médecin-conseil à La Maison, elle m’a transmis le goût de l’engagement.

Lors d’un stage probatoire de six mois à Massongex, Iris plonge dans un univers qui la marque pour toujours : « J’ai découvert la richesse de la mission, les enfants, les collaboratrices et collaborateurs, l’atmosphère… ça m’a touchée profondément. »

Devenue membre du comité du groupe bénévole du Valais, elle garde en mémoire le visage d’un petit garçon farouche, qu’elle peinait à apprivoiser : « Le jour du départ, il ne voulait plus me lâcher. Ces adieux, je ne les oublierai jamais. » Ce souvenir résume à lui seul l’esprit de La Maison. « Ici, l’amour circule » ajoute-t-elle encore simplement. « Dans la façon dont on s’occupe des enfants, et dans ce qu’ils nous redonnent. »

Iris et Naila, deux visages d’aujourd’hui. La relève d’un engagement qui se transmet, cœur à cœur, génération après génération.
Iris et Naila, deux visages d’aujourd’hui. La relève d’un engagement qui se transmet, cœur à cœur, génération après génération.

« Ici, l’amour circule. Dans la façon dont on s’occupe des enfants, et dans ce qu’ils nous redonnent. »

Iris Theux, bénévole

Un regard tourné vers demain

Naila Farouk, marraine et convoyeuse, connaît La Maison depuis l’enfance. « Elle faisait partie du paysage », sourit-elle. En 2023, elle s’accorde une pause professionnelle… et s’engage immédiatement auprès de La Maison, guidée par une évidence. « Le 31 mai, j’envoyais mon e-mail d’adieu après quinze ans de carrière. Le 1er juin, j’effectuais mon premier convoyage des HUG jusqu’à Massongex. »

Depuis, Naila transporte, accompagne, parraine. Elle parle d’une « gymnastique incroyable », qui relie La Maison à tout un réseau de soins et de solidarité. « Chacune et chacun porte le flambeau, ou le passe à quelqu’un d’autre. Les enfants trouvent ici une maison, une famille, un renouveau. »

Une lumière qui continue de briller

Aujourd’hui et depuis des décennies, La Maison accueille chaque année près de 180 pensionnaires en convalescence. Après des opérations lourdes, ils trouvent à Massongex un écrin de bienveillance où rire, jouer et se reconstruire.

Derrière chaque sourire, une chaîne invisible veille, tissée de gestes discrets, de dévouement et d’amour, portée par les mains des professionnels et des bénévoles. Toutes et tous unis par la même mission : permettre à ces jeunes venus de loin de retrouver leur santé. « Que La Maison garde toujours le même esprit, la même chaleur », souhaite Edmond Pot. Et tant qu’il y aura des enfants à accueillir, La Maison aura une raison d’exister.

Ensemble pour l’avenir des enfants

La Maison fait face à un défi majeur : réunir 4,2 millions de francs par année pour poursuivre son action auprès des enfants les plus vulnérables.

Sans subvention, son équilibre budgétaire demeure fragile et dépend entièrement de la générosité des donatrices et donateurs, des bénévoles et de toutes celles et ceux qui croient qu’un geste de solidarité peut réellement changer une vie.

L’urgence est à la fois financière et humaine. Chaque don, chaque minute offerte prolonge cette aventure commencée il y a 55 ans : donner à des enfants gravement malade l’accès aux soins, à l’attention et à la dignité qu’ils méritent.