Jacques Cotting : une carrière au service des enfants

Jacques Cotting : une carrière au service des enfants

écrit le 19.12.2022

Le Docteur Cotting est un précurseur. Dès 1991, il dessine les contours des soins intensifs pédiatriques du canton de Vaud et fait ainsi chuter la mortalité infantile. Son travail sort rapidement des frontières vaudoises : chef de l’Unité de soins intensifs pédiatriques du CHUV, il est pendant trois décennies l’un des acteurs clés de la collaboration entre La Maison et son hôpital. Il a également participé à de nombreuses missions de formation de médecins dans les pays de provenance des enfants. Depuis sa retraite en 2018, il continue à consulter en tant que bénévole les dossiers des enfants transférés en Suisse, comme médecin conseil. Jacques Cotting, c’est une carrière dédiée à l’enfance. Portrait.

Propos recueillis par Baptiste Fellay et Grégory Rausis
Docteur Jacques Cotting, chef de l’Unité de soins intensifs pédiatriques du CHUV retraité.

Une carrière orientée par son enfance

Issu d’une famille ouvrière très pauvre, Jacques Cotting grandit à Fribourg entouré de six frères et sœurs. L’obtention d’une bourse lui permet de passer sa maturité au collège Saint-Michel. Puis il se lance dans des études de médecine. « Très tôt, c’était clair que je ferais de la médecine pédiatrique. Parce que dans ma famille, je m’occupais déjà des enfants. C’était donc presque normal que je parte en pédiatrie. »  Il finance sa formation en enchaînant les nuits à l’hôpital. Il peaufinera ensuite ses connaissances à Londres et à Toronto avec une formation postgraduée en soins intensifs pédiatriques.

A son retour, en 1991, il prend la tête de l’Unité de soins intensifs pédiatriques du CHUV, qu’il développe en amenant une vision novatrice : il est le premier à asseoir médecins et infirmiers autour d’une table pour discuter les cas. De plus, il consacrera énormément de temps au dialogue avec les familles. On lui doit également la première banque de données du CHUV et les premières mesures de qualité des soins en Suisse.

Au service des autres dès le début

Jacques Cotting passe un après-midi à La Maison

Son histoire avec nos enfants commence tôt dans sa carrière, alors qu’il entre au CHUV en tant qu’assistant en chirurgie pédiatrique, dans les années 1980. « La première semaine, un enfant transféré par Terre des hommes est arrivé. Le chirurgien m’a dit, il a la malaria, débrouillez-vous avec lui. Je n’avais jamais vu la malaria (rires). Mais ça m’a beaucoup touché. C’était mon premier patient en arrivant au CHUV. Ça a été un déclic. »

En 2022, quand les enfants de La Maison font ce voyage, ils ont beaucoup plus de chances de survie qu’il y a 30 ans

Quelques années plus tard, lorsqu’il prend la tête de l’unité soins intensifs pédiatriques, il se bat pour accueillir les enfants venus depuis l’étranger pour se faire opérer. « Quand je suis revenu de Toronto, les infirmiers et infirmières étaient plutôt contre la venue de ces enfants. Au début, les enfants ne passaient pas tous le cap. Ça créait de la souffrance. Et c’était du travail en plus. Mais quand on a pu leur prouver que le taux de réussite des opérations était le même que pour les Suisses, ça a changé la donne. »

Au cours de sa carrière, il a vu le taux de mortalité diminuer. « La mortalité des enfants de La Maison est la même que celle des Suisses. Pour les patients cardiaques, c’était 25% de décès dans les années 1990. Aujourd’hui, on en est entre 1,2 et 2 %. » Le médecin nous explique aussi que l’établissement des diagnostiques s’est amélioré dans les pays de provenance des enfants de La Maison, ce qui facilite le travail des chirurgiens en Suisse. « Actuellement, il y a des cardiologues à peu près partout, qui nous envoient des données très bien faites. Ça s’est énormément amélioré en quelques années. Le Covid a même boosté la qualité de récolte et de transmission des données, en nous forçant à développer les outils numériques.»

Jacques Cotting entre en activité dans les soins intensifs pédiatriques à une époque où la médecine pédiatrique est en plein essor. Dans ce processus, il a ainsi joué un rôle essentiel de transmission des connaissances pour préparer la relève.  « J’ai eu un plaisir incroyable à former des médecins pédiatres. La médecine dans ce domaine devenait de plus en plus pointue. On commençait donc à oser faire de la chirurgie lourde chez les enfants. Aujourd’hui, pour toute prise en charge lourde, on sait comment le faire. »

Jacques Cotting avec un pensionnaire de La Maison

Moi, je ne m’arrête pas

Au service des autres jusqu’au bout

La formation des plus jeunes lui prenait un bon tiers de son temps de travail, en Suisse, mais aussi à l’étranger. « Quand j’étais chef d’équipe au CHUV, on a été pendant 10 ans deux fois par année en Tunisie. Avec le soutien du CHUV et des fonds de services, on trouvait l’argent nécessaire, et ça marchait bien. Sur place, de grandes améliorations ont pu être faites. Malheureusement, avec l’arrivée du printemps arabe en 2000, le programme s’est complètement arrêté en raison du départ précipité des intellectuels. C’est très dommage. Ça se passait extrêmement bien, les médecins tunisiens étaient devenus de vrais amis. » Le Docteur Cotting a ainsi participé à la formation de médecins dans plusieurs autres pays, du Sénégal au Cambodge. Il constate cependant que, malheureusement, si la pose de diagnostiques s’est grandement améliorée, de nombreux pays manquent cruellement de chirurgiens.

A la retraite depuis 2018, il a continué et continuera à œuvrer bénévolement comme médecin conseil au service des enfants accueillis à La Maison et opérés dans les hôpitaux universitaires romands.

« Parce que moi, je ne m’arrête pas (rires). »